Le 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui lui avait été transmise au sujet de la démission d'office imposée aux conseillers municipaux condamnés à une peine d’inéligibilité.
La question examinée par le Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 3 janvier 2025 par le Conseil d’État d'une QPC relative à plusieurs dispositions législatives concernant les conséquences d'une peine d'inéligibilité. Conformément à l'article 131-26-2 du code pénal, cette peine complémentaire est obligatoirement prononcée à l'encontre des personnes condamnées pour certaines infractions. Cette peine d’inéligibilité empêche notamment d'occuper la fonction de conseiller municipal (article L 230 du code électoral).
Le juge qui prononce la peine d'inéligibilité peut décider d'en ordonner l'exécution provisoire. Dans ce cas, la peine s'applique immédiatement, y compris en cas d'appel formé contre la décision. Parallèlement, le préfet déclare le conseiller municipal démissionnaire d'office, peu importe que la peine d’inéligibilité soit exécutée provisoirement ou définitive. L'élu se retrouve alors déchu de son mandat en cours.
La question soulevée par le requérant, un conseiller municipal condamné à cette peine inéligibilité, était la suivante : la déclaration de démission d'office d'un conseiller municipal, alors que le juge pénal a ordonné l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité, porte-t-elle une atteinte proportionnée à son droit d'éligibilité ?
La requête questionnait la constitutionnalité de plusieurs dispositions, notamment :
- la possibilité de priver l'élu de son mandat, avant même que la décision définitive sur sa condamnation ait été rendue ;
- l'absence de prise en compte, par le juge décidant de faire exécuter immédiatement la peine d'inéligibilité, des conséquences qui en résulteraient pour l'élu.
Une décision de conformité sous réserve d'interprétation
Dans sa décision du 28 mars 2025, le Conseil constitutionnel considère que les dispositions qui régissent la démission d'office qui s'applique à un conseiller municipal privé de son droit électoral à la suite d'une condamnation pénale sont bien conformes à la Constitution.
Selon le Conseil, ce régime vise à "garantir l'effectivité de la décision du juge ordonnant l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité afin d'assurer, en cas de recours, l'efficacité de la peine et de prévenir la récidive". Il s'agit d'assurer l'exécution des décisions de justice et de répondre à "l'exigence de probité et d'exemplarité des élus" ainsi que "la confiance des électeurs dans leurs représentants".
Pour ce qui est de la possibilité de prononcer l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité prévue par l'article 471 du code de procédure pénale (CPP), le Conseil constitutionnel rappelle que le juge a le pouvoir de la décider, ou non, selon les circonstances de l'affaire, et qu'il peut en moduler la durée d'application. Bien que saisi sur les articles L230 et L236 du code électoral, le Conseil a émis une réserve d'interprétation pour l'application de l'article 471 du CPP. Le Conseil considère qu'"il revient au juge, dans sa décision, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l'exercice d'un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l'électeur".
Le régime applicable aux autres élus
La QPC soulevait également la question de la différence de traitement instaurée entre :
- les élus locaux, à l'égard desquels la peine d'inéligibilité peut être appliquée provisoirement ;
- les élus nationaux (notamment les parlementaires), qui ne peuvent être déchus de leur mandat qu'en cas de condamnation définitive.
Le Conseil constitutionnel conclut dans sa décision à la constitutionnalité de cette différence de traitement, justifiée par le fait que les membres du Parlement sont dans une situation différente de celle des élus municipaux. Les parlementaires, contrairement aux élus locaux, participent à l'exercice de la souveraineté nationale, votent des lois et contrôlent l'action du gouvernement, ce qui justifie une différence d'application de la peine d'inéligibilité dont ils peuvent faire l'objet.